Amour éternel

1965

Sur une falaise dominant la mer, un jeune couple court insouciant à travers pré. Les herbes folles y sont balayées par les vents et leur allégresse. Les deux amoureux batifolent, se tiennent par la main, s’entraînent chacun leur tour. Leurs rires montent dans les airs, chantant leur bonheur à tous les vents.

Ils suspendent leur course sans but, se mettent à tourner sur eux-mêmes, à en perdre la tête. La robe large de la jeune fille virevolte dans les airs. Un tourbillon de folie les emporte.

Il l’attire à elle, ils se collent, et bientôt se retrouvent allongés.
Ils se dévisagent, se dévorent des yeux. Ils se laissent transporter par leur bonheur, savourant silencieusement le moment.

Elle se met en mouvement, l’assaille de baisers rapides sur les joues, sur la bouche, le front, les paupières. Il se laisse faire, souriant, les yeux fermés.

Les attaques cessent, il ouvre les yeux. Sa belle le fixe. Leurs sourires rayonnent de bonté.
– Giorgio ? Elle marque une pause, prenant des airs sérieux.
– Oui, Amandine.
– J’ai quelque chose d’important à te dire.
Il est attentif, ne bouge plus, suspendu à ses lèvres.
– Toi et moi, c’est pour l’éternité.
Les deux jeunes amoureux s’échangent un grand sourire radieux et s’embrassent langoureusement.

*

Giorgio ouvre les yeux brusquement et aspire une grande bouffée d’air, sortant de son apnée mentale. L’air salin lui pénètre les narines, lui brûle les muqueuses. Le clapotis de l’eau arrive agressif à ses oreilles. Il résiste pour ne pas refermer aussitôt les yeux. Il reste immobile, vidé de ses forces, sans pouvoir bouger.

Il ne sait plus où il se trouve. Il se sent nauséeux. Sa tête dandine légèrement sous son propre poids, il n’arrive pas à la garder fixe. Ses paupières sont lourdes, se ferment, il lutte, se fait violence pour les garder ouvertes. Son visage est brûlant, le soleil puissant le cuit. Le mal de tête guette.

L’air hagard, il cherche des repères des yeux. Son champ de vision est restreint. Il suit du regard ses jambes étendues. Elles reposent contre un petit mât. Il fronce les sourcils, ne comprenant toujours pas où il se trouve. Il lève les yeux, s’efforçant de remonter du regard le petit mât. L’acte est difficile, et 1,5 m plus haut, il aperçoit une voile. Il se souvient maintenant, il est dans sa barque.

Un coup de vent souffle, la voile se gonfle et entraîne la bôme, violemment balayée au-dessus de l’embarcation. La barre horizontale du mât lui passe sous le nez, ravivant ses souvenirs. Il la revoit s’élancer sur lui, l’attaquer sournoisement, avant qu’il n’ait le temps de se protéger. À ce moment, il ressent une vive douleur vers la nuque sur le côté de la tête, et tourne de l’œil.

…

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