Séance de questions-réponses à Sébastien Brégeon,
datée du samedi 02 mai 2015.
Dans une interview intime
Des questions personnelles
1• Présente-toi rapidement
Écrivain nomade. En ce moment, j’ai posé mon sac pour quelques mois avec ma femme aux îles Canaries, près des côtes africaines, vers le bas du Maroc dans l’Océan Atlantique. Je précise, car les îles sont souvent confondues avec les Baléares qui sont au milieu de la Méditerranée.
Aujourd’hui aux Canaries, hier en Italie, demain qui sait ?
2• Quelle chance de vivre à l’étranger…
Oui, mais la chance se provoque.
« Nous refusons de laisser passer la moindre chance, préférant la provoquer. » Des vies autour du monde
Cela ne coûte pas plus cher de vivre à l’étranger qu’en France, alors pourquoi se priver. Aujourd’hui, si je voulais, je pourrais rentrer régulièrement en France pour le même prix qu’un trajet en train Lille Marseille. À un détail près, c’est que je n’aime pas prendre l’avion.
3• Quelle chance de « vivre » à l’étranger…
Il est important de mettre en évidence le mot « vivre », car effectivement j’y vis. Je n’y suis pas en vacances. Après 1 semaine de découverte des lieux en arrivant, j’ai remonté les manches et me suis mis au travail.
De la même façon, lorsque je voyageais, il m’arrivait de faire le touriste, mais je préférais vivre avec et à la façon des locaux. On découvre ainsi une culture vivante. J’aurais pu faire du tourisme culturel, visite de musées, de bâtisses, mais avant de comprendre le passé d’un peuple, il faut déjà connaître son présent. Si l’on s’intéresse uniquement aux origines d’un peuple, on le juge a priori, c’est comme cela que naissent le racisme et les conflits.
4• À part l’écriture, as-tu d’autres passions dans la vie ?
Je m’éclate à écrire, mais ce n’est pas ma seule passion dans ma vie. J’en ai beaucoup et beaucoup d’envies. J’en parle un peu plus en détail en réponse à Flora.
J’aime bien ne faire qu’une chose à la fois.
C’est pour cette raison que lors de mon long voyage autour d’une partie du monde, il n’y a pas eu de véritables arrêts. Pas d’allers-retours incessants. Pas 15 jours passés dans un endroit paradisiaque, puis 6 mois en France pà travailler, avant de perpétuer le mouvement. Non, presque 3 ans d’un coup, et on n’en parle plus pour longtemps.
En gardant le focus sur un minimum de choses à la fois, on gagne en efficacité.
Le sport est également une passion. J’ai fait une pause de près de 20 ans, entre l’adolescence et maintenant. Quand on n’est pas habitué à faire du sport, le besoin ne se fait pas ressentir. Mais dès que l’on s’y remet, le corps s’habitue très vite, il sécrète des substances qui donnent envie d’y revenir sans cesse. Et ce n’est pas inintéressant, car cela permet d’avoir moins besoin de décompresser du quotidien, pas besoin de se cacher dans la nourriture, l’alcool, la fumette, l’achat compulsif ou que sais-je…
Des questions incontournables pour un écrivain
5• Quels sont tes genres de lecture préférés
Les classiques, le fantastique et le trash.
Je me fais un plaisir à lire les classiques qui sont souvent un éloge de la lenteur. Ils donnent le temps de réfléchir, de mieux comprendre l’humain et en définitive de mieux se comprendre.
Éloge de la lenteur de Carl Honore, qu’il faudrait que je lise d’ailleurs. Je pense que ses propos collent avec mon voyage que j’appelle « slow travel », qui par la suite a généré un « slow book ».
Je m’explique sur le principe du « slow book » ici.
Ces mêmes classiques dont je m’étais éloigné à cause du système scolaire.
L’école m’a dégoûté pour un temps des chefs d’œuvres de la littérature. Les lectures imposées sont trop souvent hors des préoccupations que l’on a étant jeune.
Que l’on ne se plaigne pas si on trouve qu’il n’y a pas suffisamment de lecteurs.
À part ce genre, j’affectionne également le fantastique avec comme auteur préféré Stephen King.
Un autre genre qui me plaît tout particulièrement est celui que certains appellent Trash – peut-être les mauvaises langues. Un genre faisant une critique de la société – Palahniuk et Despentes.
6• Tes auteurs préférés
Afin de compléter la question précédente : Stephen king, Palahniuk, Despentes, Tesson, Proust.
Mes débuts avec Victor Hugo avec le livre le dernier jour d’un condamné m’ont beaucoup plu, de belles métaphores rendant la lecture particulièrement agréable. Je pense que je me laisserai tenter par ses autres livres en particulier avec Quatrevingt-treize, au sujet de la terreur période de La révolution française, que je veux lire depuis longtemps.
J’ai découvert Hemingway il y a peu avec le viel homme et la mer. Clairement le genre de livre que j’adore lire maintenant mais qui m’aurait ennuyé au plus au point étant plus jeune.
Les plus grands écrivains conseillent de lire tous les genres pour s’améliorer dans l’écriture. J’ai essayé de me diversifier avec des contemporains, mais je n’y arrive pas toujours. Je n’aime pas les erreurs de logique dans la construction des phrases, c’est rédhibitoire pour moi. Si j’en vois trop, je n’arrive plus à profiter du sens des phrases, finissant par me demander si l’auteur comprenait ce qu’il écrivait.
Je n’ai pas de regrets à ne pas finir un mauvais livre, d’autres m’attendent et ils sont nombreux.
7• Vas-tu te cantonner au récit de voyage ?
Sur le plateau de la grande librairie, j’ai entendu Sylvain Tesson qui répondait à cette question. Il répondait qu’il ne pensait pas pouvoir écrire autre chose que du récit de voyage. Peut-être n’en a-t-il pas envie, ou a-t-il peur de se lancer dans ce genre, mais à n’en pas douter, il en a les capacités.
En ce qui me concerne, le récit de voyage est un genre que j’affectionne, car il permet d’aborder facilement un nombre plus important de sujets qu’avec un roman, d’être plus poétique également, de parler plus profondément des sujets de société, de se poser des questions sur soi-même et sur l’existence en général. Tout cela sur la trame d’une histoire qui reste tout de même le sujet principal.
N’oublions pas que les récits de voyage sont des essais déguisés.
Mais ce n’est pas le seul genre d’écrit que j’affectionne, loin de là.
8• Quels sont tes projets ?
Des genres qui n’ont rien à voir pour mes projets à très court terme :
– Un livre sur de courtes histoires basées sur des jeux de mots au format twitter.
– Un livre sur les smoothies, j’en parle un peu plus en détail en réponse à Flora.
D’autres projets dans le court terme, l’année en cours :
– La suite du récit de voyage. Un premier jet est déjà posé ;
– Une histoire jeunesse dans un univers merveilleux ;
– Je m’essaierai à l’écriture humoristique ;
– Très certainement, j’écrirai des nouvelles courtes de fantastique.
Ce sont beaucoup de projets sur une période aussi courte que l’année en cours, mais ils sont tous commencés. Je suis optimiste quant à la faisabilité, ils ne seront pas bâclés.
Et peut-être un autre livre avec un genre complètement différent, mais je préfère ne pas en parler, car la promotion me prend beaucoup plus de temps que je ne l’avais envisagé. Je découvre les joies du métier.
Pour le moyen terme, l’année prochaine, j’ai une bonne vision de ce que je veux faire, mais j’ai toujours peur de m’enfermer dans des obligations si je dis ce que je souhaite réaliser. Je veux pouvoir changer d’avis, alors je garde le secret.
Je veux absolument éviter d’être enfermé dans une catégorie, du coup je me diversifie. Je me spécialiserai peut-être un jour, mais pas pour le moment.
9• Combien d’heures par jour écris-tu ?
Huit heures d’écriture effectives. Je travaille en « tomates » entrecoupées de pauses qui me permettent d’être plus efficace. Je ne travaille pas pour un patron, je n’ai pas intérêt à compter mes pauses dans mes heures de travail, ni à ne pas être le plus productif possible.
Je travaille 7 jours sur 7, mais comme c’est une passion, ce n’est pas ressenti comme du travail. Je travaille non stop, car je pars du principe qu’il y a toujours des périodes où je ne peux pas éviter de faire sauter des journées d’écriture : coupure d’Internet, voyager, être entre deux lieux de vie, promotion, s’occuper du blog, rendre visite à la famille et aux amis. Ce qui au final fait beaucoup de pauses.
Et puis j’ai essayé de travailler moins, mais je n’y arrive pas. Je fonctionne en tout ou rien. Passionnel, sans le tempérament fougueux.
10• Pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’écrire ton récit de voyage ? Le voyage s’est terminé en 2009.
Cela permet d’avoir un recul que l’on n’a pas lorsque l’on vient de terminer le voyage. D’être plus distant avec ses écrits, car les personnages du livre ne sont plus les mêmes que ceux qui vivent. Ce qui m’autorise à les appeler personnages, car le Sébastien du livre n’est pas moi, je ne suis plus lui, même s’il m’a fait. J’ai beaucoup changé ces dernières années. En ayant laissé le temps s’écouler, je suis plus critique sur ce que je pensais à l’époque.
Ne pas raconter tout de suite l’histoire laisse les méfaits du temps jouer en notre faveur. La mémoire est fragile si on ne l’aide pas. Seuls les moments les plus forts du voyage, ceux chargés d’émotions persistent, les autres sont perdus à jamais. Le livre ne peut qu’en être plus intéressant.
Toutefois, pour cette raison de volatilité de la mémoire, il faut faire attention à ne pas trop attendre. Heureusement, j’ai des aides pour réveiller les souvenirs : les photos, le carnet de voyage et le second participant au voyage évidemment.
J’ajoute que l’écriture a débuté en 2013, il y a deux ans. On ne devient pas écrivain du jour au lendemain, il a fallu s’échauffer.
11• Un souvenir de ton voyage
Quand un jeune couple de Portugais, jeunes parents, nous a hébergés. Lors du repas, le mari nous demande pourquoi nous voyageons. Pour plaisanter, j’improvise et leur réponds qu’en France, nous sommes recherchés par la police. Raison pour laquelle nous allons d’un lieu à un autre, pour ne pas nous faire attraper.
L’ironie n’a pas été comprise, malgré mes airs malicieux visibles. Seul le silence s’est fait entendre. Leur mine est devenue déconfite, souriant difficilement pour ne pas se montrer inquiets.
Ils ont ouvert la bouche pour parler mais aucun son n’est sorti, ils sont restés bouche bée.
Voyant leur réaction inquiète, je me suis empressé de leur expliquer ma plaisanterie. L’atmosphère c’est alors doucement détendue et ils ont eu un petit rire nerveux de soulagement.
Toutefois, ils sont restés suspicieux, à demi convaincus, mais nous ont tout de même laissés dormir chez eux.
Je n’ai plus jamais recommencé, mais j’en ris toujours.
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