Extrait Des vies autour du monde 1.Une aventure ordinaire
Carnet de voyage
Nous gérons nos priorités, en regrettant de ne pas avoir le temps de partir en expédition dans les montagnes environnantes, estimant avoir mieux à faire.
Nous cédons à la tentation de rester un peu plus longtemps au-dehors, de profiter de l’endroit relativement calme pour une zone urbaine. Nous repoussons nos plans de visite pour nous délier les mains, pour sortir nos plumes et écrire. Rédaction de nos petites aventures, nos rencontres de ces derniers jours sur notre carnet de route ; vrai livre aux pages blanches que nous noircissons doucement mais sûrement.
Le carnet de voyage, outil archaïque, se revêt d’apparences trompeuses. Livre en somnolence, il nous permet d’y jeter nos sentiments, de nous y répandre en anecdotes, d’y adresser nos complaintes. Compagnon de voyage à part entière, l’objet se fait livre intime. Renfermant le secret de nos rencontres, il nous consent à garder trace des jours, des noms des personnes rencontrées et des lieux visités. Sa relecture réveille les scènes éteintes de notre mémoire rongée par les effets inéluctables du temps. Ravivant les couleurs jaunies du passé, réminiscence d’images mentales.
Nous griffonnons, ne nous attardons pas sur les détails ; juste de quoi ne pas oublier, maintenir la mémoire éveillée, afin de ne pas perdre l’essentiel. Il n’en faut guère plus ; ce n’est pas le genre de livre qui se relit sans cesse, à moins de risquer de s’enfermer dans le passé pour ne plus vivre que par lui.
L’écriture du carnet est souvent un dur compromis entre graver les instants passés, et vivre les instants présents. L’un se faisant au détriment de l’autre.
Nous courons après le temps, rattrapons un peu du retard s’accumulant ; l’avancement est laborieux. L’écriture manuelle se fait lente et lorsque après y avoir laissé nos forces, la douleur se fait ressentir, il est temps de rabattre une page et de retourner vivre.