Extrait Des vies autour du monde 1.Une aventure ordinaire
Camping autoroutier
La délivrance sonne, nous arrivons, enfin.
Nous nous retrouvons à quinze kilomètres au sud de l’endroit où le premier automobiliste nous avait déposés, presque neuf heures plus tôt. La moyenne n’est pas glorieuse. Le sort s’est joué de nous, nous aurions eu plus vite fait de faire le trajet à pied.
Nous mettons de côté les événements de la journée. Nous profitons des instants de bonheur suivant la disparition soudaine de notre supplice. Nous allons pouvoir manger et poser notre tente pour la nuit.
Nous nous mettons sur les hauteurs glissantes d’une butte, dominant ainsi le péage. Notre position nous permet de regarder le flux des voitures, arrivant face aux barrières, s’arrêtant, puis reprenant leur course vers leur destination. Tous ces véhicules, autant de vies différentes.
Nous nous rationnons, ne mangeant que la moitié du repas qui était prévu, derniers casse-croûtes en notre possession, dans l’éventualité de l’apparition de nouvelles difficultés le lendemain.
[…]
Nous profitons des lumières du péage, nous connaissons la tente, savons la monter, mais la fatigue nous fait oublier la marche à suivre. Le montage est laborieux, nous nous énervons rapidement, à la moindre résistance inattendue, la moindre contrariété. Ce moment pénible se passe. La tente dressée, le grand moment de la journée s’avance à grands pas. Nous nous glissons à l’intérieur avec nos sacs. Ceux-ci prennent la place d’un homme, réduisant d’autant l’espace prévu pour deux personnes. Nous enlevons nos chaussures, libérant nos pieds de leur cuirasse. Le soulagement est immédiat, la pression exercée retombe, le flux sanguin se fait plus fluide. Nous n’avons plus rien à faire, nous pouvons maintenant allonger les jambes ; le pied…
Il est maintenant vingt et une heures trente, une heure bien plus raisonnable pour se coucher que lors de notre précédent arrêt dans ce petit village de la campagne auxerroise. La montre est réglée pour sonner à six heures le lendemain afin de commencer au plus tôt. Nous pourrons ainsi bénéficier du trafic conséquent généré par les personnes allant travailler, et augmenter nos chances d’être embarqués rapidement.
Sans surprise, nous nous endormons très vite. Malheureusement, le repos tant mérité ne se fait pas d’une traite. Nous sommes régulièrement réveillés, extirpés de notre sommeil pendant quelques fractions de seconde, à de multiples reprises. Les camions sont nombreux, nous les entendons passer sur l’autoroute. Quelques-uns s’arrêtent à la barrière de péage, faisant résonner leurs freins et rugir leur accélérateur au redémarrage. L’absence de matelas se fait ressentir, le sol est dur et froid. Dehors, la pluie bat par intermittence jusqu’au matin, se fracassant bruyamment sur la toile.
Malgré tout, la nuit nous permet de récupérer des forces. Le réveil est difficile ; au retentissement de la sonnerie, nous aurions aimé sauter sur nos deux pieds, comme deux guerriers prêts au combat. Il n’en est rien. Nous faisons durer le plaisir quelques minutes, avant de nous faire rappeler par le devoir. Nous nous levons, et nous nous découvrons reposés et d’attaque pour une nouvelle journée, pour de nouvelles aventures.
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